Origines
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Le jeu de la vie est un exemple important d'automate cellulaire.
Cette notion a émergé dans l'immédiat après-guerre des travaux du mathématicien John Von Neumann.

Automates cellulaires
Dès 1947, celui-ci entreprit des recherches dont le but était de
proposer un modèle théorique de
machines auto-réplicatrices. Ces travaux reçurent une nouvelle
impulsion en 1951 avec la contribution de Stanislaw Ulam. L'objectif fut
atteint, mais au prix d'une
complexité très élevée. Les cellules de l'automate de Von Neumann
pouvaient occuper 29 états. La génération initiale comptait plus de 200
000 cellules. La preuve théorique, de plus de 100 pages, n'a été
publiée qu'après la mort de son auteur, en 1957.
Un automate cellulaire consiste [1] :
- en un réseau bidimensionnel (généralement plan [2]) de
réceptacles (cases) accueillant des cellules qui peuvent se trouver
dans un certain nombre d'états ;
- en un ensemble de règles qui régissent le passage d'une génération de cellules à la suivante.
Le temps s'écoule de manière discrète : les générations sont numérotées à l'aide des nombres entiers naturels.
Les règles de transition d'une génération à la suivante prennent en compte
- l'état d'une cellule, ainsi que ceux de ses voisines [3] ;
- l'occupation des cases voisines [3] d'une cellule donnée.
Ces règles peuvent conduire à l'apparition, la disparition, et bien sûr
au changement d'état des cellules à la génération suivante.

Le Jeu de la vie de J. Conway

John Horton Conway, né en 1937, est un mathématicien très éclectique [4],
mais il est particulièrement connu des amateurs de théorie des groupes,
géométrie, arithmétique et théorie des jeux.
L'invention du Jeu de la vie est le résultat d'une tentative
(fructueuse) de simplification de l'automate de Von Neumann. Publié en
1970 dans la chronique du Scientific American alors tenue par Martin
Gardner, ce "jeu à zéro joueur" [5] a instantanément connu un succès
foudroyant. Deux raisons principales à cela :
- il est très facile d'y "jouer" (du papier et un crayon suffisent, même si ce n'est pas la méthode la plus rapide) ;
- il est apparu en même temps que les mini-ordinateurs
commençaient à se répandre dans le milieu professionnel -- et on ne
compte pas [6] le temps de calcul "emprunté" par les employés à leur
entreprise pour faire tourner des programmes de Jeu de la vie ! ...
- il a rapidement montré une richesse et une profondeur étonnantes par rapport à sa simplicité.
Récemment, l'apparition de programmes de calculs extrêmement rapides a
révélé une complexité et des possibilités inconnues jusque là,
suscitant un regain d'intérêt pour le Jeu de la vie.

La "genèse" : l'invention des règles
Les règles du Jeu de la vie ne doivent rien au hasard. Dès 1968, John Conway a
effectué de nombreuses expériences, tantôt à la main (!), tantôt à l'aide d'un mini-ordinateur DEC PDP-7 (qui venait de sortir).

Le but était de trouver un ensemble de règles
satisfaisant les critères qu'ils s'était fixés (ci-après, une traduction libre des propres termes de J. Conway) :
<<
- Il
ne devrait pas y avoir de configurations initiales pour lesquelles on
puisse prouver simplement que la population croisse indéfiniment.
- Il
devrait y avoir des configurations initiales pour lesquelles,
apparemment, la population s'accroît effectivement indéfiniment.
- Il devrait y avoir des configuration initiales qui
croissent et évoluent pendant un temps considérable avant de s'achever
de trois manières possibles :
- s'éteindre complètement (de surpopulation ou de raréfaction) ;
- s'établir en une configuration stable demeurant inchangée par la suite ;
- entrer dans une phase oscillatoire de période 2 ou plus.
En bref, ces règles devraient être à même de rendre le comportement de la population imprévisible. >>
Ces essais intensifs ont débouché sur un ensemble de règles concises mais fructueuses.

Les règles du Jeu
L' univers du jeu de la vie est un quadrillage (théoriquement infini)
à mailles carrées. Les cases sont
occupées (ou non) par des cellules en nombre fini. Le voisinage
d'une cellule comporte ses huit cases adjacentes : par un côté, mais
aussi par un coin. Ce sont les "x" sur le schéma suivant :

Une cellule n'a que 2 états possibles : vivante (sa case est occupée) ou morte (case vide).
Les cellules naissent, survivent ou meurent (disparaissent) d'une génération à l'autre selon les règles suivantes :
- une cellule naît dans une case vide voisine d'exactement trois cellules (une bien curieuse sexualité) ;
- une cellule ayant zéro ou une voisine vivante meurt
(d'isolement...), de même qu'une cellule possédant quatre voisines ou
plus (surpopulation...) ;
- une cellule avec deux ou trois voisines survit à la prochaine génération.
Sur le schéma ci-dessous, seules sont initialement présentes les cellules noires. Celles qui sont marquées d'un x
vont mourir à la génération suivante. Mais elles participent néanmoins
aux naissances pour cette prochaine génération. Les cases qui
enregistreront une naissance sont marquées en rouge.

La génération suivante sera donc :

Ces règles sont donc d'une extrême concision, puisqu'elles se résument ainsi :
survie si 2 ou 3 voisines
|
naissance si 3 voisines
|
... en 10 mots !
Voisinage utileCes
règles ont une conséquence importante. Deux cellules distantes [7] de deux cases ou plus à la génération N ne peuvent interagir sur la génération N+1,
n'étant pas voisines communes d'une quelconque troisième.
Ceci conduit
à la notion de voisinage utile d'une (partie de) configuration.
Le voisinage utile est l'ensemble des cases [8] qui participent effectivement à la détermination de la
génération suivante. Au Jeu de la vie, seules comptent les cases
situées une unité au plus d'une cellule vivante. Si notre configuration
est contenue dans un certain rectangle n×p, les cases hors du rectangle
(n+2)×(p+2) qui le "borde" ne jouent aucun rôle dans la détermination
de la génération suivante.
Nous verrons plus loin les conséquences de cette simple remarque.

Notes
[1] en 1ère approximation -- cette
présentation intuitive demande à être formalisée pour l'étude
théorique, voir p. ex. ici.
[2] mais pourquoi pas une sphère, ou un tore ? Des essais ont été effectués pour l'adapter à ces surfaces.
[3] Les états
possible et la définition des voisines dépendent de l'automate
cellulaire considéré.
[4] La sphère à cornes, c'est lui !
[5] zero-player game, selon l'expression de J. Conway lui-même
[6] mais on estime à plusieurs millions de dollars !
[7] horizontalement, verticalement ou diagonalement : cela ne fait pas de
différence dans le Jeu de la vie. On y utilise la norme || . ||∞ !
[8] vides ou non -- cas d'une
naissance

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